La mue des Arthropoda

Petit rappel sur le principe de la mue, appelée aussi l’exuvie. Les animaux ne muent pas seulement de la peau, la mue comprends aussi les poils, les plumes, les carapaces, les ongles, les cornes, les écailles, les dents etc. Donc, en général, tous les animaux muent : les reptiles, les amphibiens, les poissons, les oiseaux, les arthropodes, les cnidaires, les mammifères, etc. Tous ! Il existe juste plusieurs façons de muer. Par exemple pour ce qui est de la peau et des phanères :

  1. Peut-être la plus connue : la mue totale en un morceau et en un temps réduit. Comme le font, par exemple, le sous-ordre des Squamata, les Serpentes. Mais aussi certains arthropodes, comme les scorpions, les crabes, les crevettes, les iules, les araignées, etc., muent aussi de cette façon.
  2. Dans les Squamata, il y a aussi la mue du corps entier en quelques heures, mais en plusieurs petits morceaux. C’est le cas pour une grande partie du sous-ordre des Lacertilia. Certains peuvent manger la mue après l’avoir enlevée, comme les Correlophus ciliatus. Les amphibiens muent aussi de cette façon, mais il se peut que le procédé prenne un peu plus de temps.
  3. Puis, il y a les animaux qui muent tous les jours, mais petit bout par petit bout, comme les cnidaires, les poissons, les oiseaux et les mammifères. Il existe aussi les mues saisonnières qui sont une exception à la règle, par exemple pour les lièvres variables (Lepus timidus) qui changent totalement leur pelage en quelques jours à l’automne et au printemps. Alors que le reste de l’année, ils vont muer petit à petit.

Le déclenchement de la mue totale (principalement le numéro 1) se fait par une hausse hormonale de l’animal, qui active des processus physiologiques spécifiques, conduisant à l’élimination de l’ancienne peau ou de l’exosquelette et à la régénération d’une nouvelle peau.

Il faut aussi savoir qu’il est strictement déconseillé de manipuler un arthropode quelques heures avant et après avoir mué. La nouvelle peau (du céphalothorax, de l’abdomen mais aussi des pattes, des antennes, des chélicères, des forcipules, etc.) devient totalement molle. Certaines parties peuvent redevenir dures assez rapidement, mais les extrémités (pattes, appendices buccals, etc.) peuvent prendre plusieurs heures pour retrouver leur solidité. Il est donc très facile de blesser l’animal en lui déformant son corps, en lui collant une antenne ou encore en lui cassant une patte. Ce qui pourrait le tuer.

  1. Par exemple, il faut aussi attendre quelques heures après la mue d’une mygale pour la nourrir, car si ses chélicères n’ont pas retrouvé leur solidité habituelle, elles pourraient se déformer uniquement en mordant dans une proie. Dans certains cas, elle ne pourrait plus s’alimenter et mourrait de faim.
  2. Il faut aussi s’attendre à ce qu’un animal, qui pratique la mue en un seul morceau, s’arrête de s’alimenter quelques heures, voire un jour, avant le début de la mue. C’est totalement normal et il recommencera à manger après la mue.
  3. Comme tous les reptiles et les arthropodes, plus l’animal vieillit, moins il mue. Par exemple, un jeune cloporte pourra muer entre 10 et 20 fois sa première année, alors que les suivantes, il le fera moins de 10 fois. L’exuvie est une étape dans leur vie qui demande beaucoup d’énergie et avec l’âge, il y a de plus en plus de risques qu’ils meurent de fatigue pendant la mue. La mue est très utile pendant la croissance, ils en ont donc moins besoin avec le temps.
  4. Le mieux à faire quand un animal mue est de le laisser tranquille et de bien vérifier que tout se passe correctement. La qualité de la mue et le temps passé sont de bons indicateurs pour savoir si vos paramètres (température, hygrométrie, UV, type de nourriture, fréquence de nourrissage, etc.) sont adaptés à l’animal ou s’ils doivent être améliorés.

Voilà une petite base sur la mue assez rapide. Bien sûr, on pourrait écrire un livre à ce sujet, car c’est un procédé très intéressant, mais ce n’est pas le but.

Oniscidea (Cloportes) :

Les Oniscidea muenet en deux parties : c’est une mue biphasique. Certaines personnes disent qu’ils commencent tout le temps par la partie postérieure, comme un pantalon, puis la partie antérieure. Mais j’ai déjà vu quelques cloportes commencer par le bas. Maintenant la question est : est-ce un comportement propre à un genre, à une espèce ou à un individu ?  Personnellement, j’aurais plutôt dit un comportement propre à un individu, mais ce sujet reste à approfondir. 

Comme je le disais, les cloportes muent en deux parties. Pendant cette petite période qui peut prendre entre 45 minutes et 2 heures, le cloporte est totalement vulnérable. Comme tous les animaux qui pratiquent la mue en un seul temps, les cloportes deviennent tout blanc, à cause de la lymphe qui sépare les deux peaux juste avant la mue. Ils auront de très belles couleurs juste après. Ce crustacea se débrouille en faisant bouger toutes les parties de son corps pour se séparer de son ancienne peau (voir la vidéo sur Instagram). L’exuvie sera finalement consommée par les cloportes, parfois même par celui qui vient tout juste de muer (voir la vidéo sur Instagram).

Trichorhina tomentosa qui a effectué sa mue
Porcellio laevis « Dairy cow » qui a effectué la première partie de sa mue
Armadillidium maculatum « Yellow » malformation du septième 
péréionite à gauche et de la septième patte gauche qui est inutilisable, dû à une mauvaise mue, sûrmement dû à une mauvais hygrométrie
Armadillidium maculatum « Yellow » malformation du septième 
péréionite à gauche et de la septième patte gauche qui est inutilisable, dû à une mauvaise mue, sûrmement dû à une mauvais hygrométrie
Mue de Armadillidium sp. « Casteldaccia »
Mue de Armadillidium sp. « Casteldaccia »

Sesarmidae (Crabe vampire) :

Les Sesarmidae muent en une partie. La mue est facilement récupérable et peut être séchée pour la garder dans un petit bocal comme “souvenir” ou pour voir la croissance de ses petits crabes. L’arrière de la carapace s’ouvre en deux et ces animaux soulèvent leur carapace dorsale comme le couvercle d’une boîte, en essayant de se faufiler vers l’arrière. Ils restent encore mous quelques heures voire quelques jours. Le durcissement se fait par l’absorption de la chitine et du carbonate de calcium. La grande majorité du carbonate de calcium nécessaire est extraite par les branchies, mais un apport en calcium dans l’alimentation est toujours conseillé.  Chez les crabes, les pinces se rigidifient en premier puis le reste du corps en second temps. Les jeunes crabes muent environ 4 à 5 fois par année, tandis que des adultes muent seulement 2 à 3 fois par an.  

Mue de Geosesarma tiomanicum mâle
Mue de Geosesarma tiomanicum femelle

Blattaria (Blatte) :

Chez les Blattaria, seules les nymphes muent. Elles peuvent muer 5 à 10 fois au cours de leur développement avant d’atteindre leur forme adulte. Une fois qu’elles atteignent l’âge adulte, elles ne muent plus. Cependant, elles continuent de vivre pendant plusieurs mois après leur dernier changement de peau. C’est pendant cette période qu’elles sont matures sexuellement et qu’elles vont se reproduire. 

Diplopoda (Iule) : 

Contrairement aux Oniscidea (les cloportes), qui naissent presque comme leurs parents, mais en miniature (uniquement une paire de pattes en moins), les Diplopoda naissent avec beaucoup moins de pattes que les adultes. À chaque mue, qui a lieu plus ou moins tous les mois, les diplopodes gagnent un certain nombre de pattes supplémentaires. Ce nombre est différent suivant les ordres de Diplopoda. Par exemple, les Julida et les Spirobolida gagnent 4 ou 5 paires de pattes, 2 à 4 pour les Polydesmida et seulement 1 pour les Glomerida. Les nouveaux segments sont incolores pendant quelque jours. Ils sont donc très facilement repérables, car les derniers segments sont tout blancs après la mue du iule (voir la vidéo sur Instagram). 

Certains individus des espèces d’iules que j’élève vont rester à la surface sous une écorce pour muer, comme par exemple les Benoitolus sp. « Khao Sok » ou encore les Anadenobolus monilicornis. Mais d’autres individus vont s’enterrer plusieurs heures, jours ou même semaines. C’est le cas des Spirostreptus sp. « 1 Tanzania », des Archispirostreptus gigas ou des Spirobolus caudulanus. Dans ce cas, il ne faut absolument pas essayer de les chercher et laisser faire la nature. Ils sortiront quand ils auront fini, si tout c’est bien passé. Pour les Archispirostreptus gigas, c’est particulièrement long et il ne faut pas s’inquiéter si on ne les voit plus pendant plusieurs semaines. 

Spirobolellus sp. « maui » quelques minutes après sa mue
Benoitolus sp. « Khao Sok » environ 24 à 48 heures après sa mue
Spirobolellus sp. « maui » quelques minutes après sa mue