Reproduction

Oniscidea (Cloporte) :

Les Oniscidea sont ovipares. L’accouplement a lieu après la mue de la femelle. Le mâle monte et s’accroche sur la femelle ; c’est un peu comme une parade nuptiale, mais c’est surtout pour que le mâle soit sûr qu’il soit le seul à s’accoupler avec cette femelle. Puis, tout en tenant la femelle, le mâle va se pencher sur un côté afin d’ensemenser la femelle et il va refaire la même chose de l’autre côté. L’accouplement peut durer plusieurs heures et le mâle peut rester accrocher à la femelle encore de longues heures après l’accouplement. Quelques heures ou jours plus tard, la femelle pond des œufs qu’elle mettra directement dans son marsupium qui est rempli d’un liquide protégeant les œufs.

Après environ un mois, les œufs vont éclore, mais les bébés vont rester dans le marsupium, afin de finir leur développement. À ce stade, les petits sont appelés des mancaes. Puis quelques jours après, les petits vont sortir du marsupium. Ils sont alors appelés les pullis et sont identiques à leurs parents à un détail près : la plupart des espèces naissent avec seulement six paires de pattes. Ils gagneront leur septième paire lors de la première mue qui a lieu dans les premières 24 heures de leur vie. La septième ne sera tout de même pas utilisable et deviendra opérationnelle après la deuxième mue. L’âge de la maturité sexuelle dépend de l’espèce, mais elle est atteinte, en général, vers le troisième mois de leur vie.

Pulli de Porcellio laevis « Dairy cow », uniquement 6 paires de pattes
Porcellio laevis « Dairy cow » sub-adulte, environ trois à quatre mues effectuées
Oeufs de Porcellio laevis « Dairy cow »
Reproduction des Armadillidium maculatum « Yellow »

Une femelle peut pondre entre 5 et 100 œufs suivant l’espèce. Car toutes les espèces ne font pas de soins parentaux. Les femelles Armadillidium gestroi ne défendent pas leurs petits dès qu’ils ont quitté la poche, c’est pour ça qu’il y en a beaucoup (entre 40 et 75). Alors que les Porcellio hoffmannseggi n’ont qu’une dizaine de petits par portée, mais la mère continue à s’en occuper et à les protéger pendant plusieurs semaines.

Armadillidium gestroi femelle, passage du stade mancae à pulli après que le marsupium se soit ouvert
Armadillidium gestroi femelle, passage du stade mancae à pulli après que le marsupium se soit ouvert
Porcellio laevis « Dairy cow » mâle, absence de marsupium
Porcellio laevis « Dairy cow » femelle

Tout comme les dragons de Komodos (Varanus komodoensis), certains cloportes peuvent se reproduire par parthénogenèse. C’est-à-dire qu’une femelle peut se reproduire sans mâle, en créant des clones d’elle-même. Le genre le plus connu qui pratique cette reproduction est Platyarthrus spp..

Une bonne partie des Oniscidea sont porteurs d’une bactérie qui change le sexe des cloportes. Cette bactérie s’appelle Wolbachia pipientis et elle est endosymbiotique, donc, elle vit exclusivement dans le cytoplasme des cellules de son hôte. Elle arrive à inhiber une hormone qui transforme les embryons femelles en mâles lors du développement dans le marsupium. À la naissance des petits, il n’y aura donc presque que des femelles.

Pourquoi cette bactérie fait-elle ce processus ? C’est qu’elle se loge dans les cellules du système reproducteur des cloportes, même si l’ensemble des tissus de l’hôte peut être infecté. Mais, elle ne peut pas vivre dans les cellules de reproduction des mâles, elle ne peut donc que se transmettre de mère à fille/fils. Elle a évolué pour inhiber l’hormone afin qu’il y ait plus de femelles et qu’elle puisse davantage proliférer. 

On pourrait se dire que c’est un problème pour la prospérité de certaines espèces, mais en réalité ce n’est pas le cas. Premièrement, comme je l’ai dit plus haut, il y a des espèces qui se reproduisent par parthénogenèse, donc les petits sont de toute façon des femelles. Mais comme toutes les espèces parthénogénétiques, il y a un appauvrissement génétique sur le long terme. Deuxièmement, la bactérie n’affecte pas, en théorie, 100% des embryons. Il y aura donc des mâles dans le lot. Dernièrement, en général dans le règne, les femelles ont plus de valeur reproductible. Dans les groupes sociaux, comme une colonie de cloportes, les femelles sont plus importantes. Donc avoir un sex-ratio plus élevé en faveur des femelles n’est pas un problème. 

Mais cette bactérie ne modifie pas seulement le sexe, elle change aussi le comportement des hôtes. Ils sont en général moins bons pour apprendre et se souvenir du chemin emprunté dans un labyrinthe. Leur résistance aux pathogènes semble être aussi impactée. La bactérie les rend plus sensibles à certains virus ou bactéries et elle les rend plus résistants à d’autres. Wolbachia pipientis n’est pas seulement présente chez les Oniscidea, elle a déjà été identifiée chez environ 65% des arthropodes et chez certaines espèces de nématodes, ce qui en fait l’endosymbiote le plus répandu sur Terre. Il resterait encore de nombreux éléments à préciser ou à partager, mais je préfère ne pas m’étendre davantage dans ce texte. Si le sujet vous intéresse, je vous invite à poursuivre votre exploration par vous-même. Plusieurs études scientifiques ont d’ailleurs déjà été menées et sont disponibles en ligne.

Je vais tout de même partager mon expérience personnelle sur ce sujet, car j’ai rencontré un problème avec mes Porcellio hoffmannseggi après avoir vendu un groupe de ma colonie. Il devait me rester une vingtaine de cloportes après la vente et il n’y avait que des femelles ! Je n’y avais pas prêté attention à l’époque. Il faut dire qu’il y avait déjà peu de mâles avant la vente et les derniers ont probablement été envoyés chez mon client. Bien que je ne sois pas certain, je pense que cela pourrait être dû à l’effet de Wolbachia pipientis, qui favorise la naissance de femelles dans les portées. L’espèce Porcellio scaber est connue pour être porteuse de cette bactérie, et il est fort probable que les P. hoffmannseggi en soient également porteurs. J’ai constaté la même chose avec les P. laevis en prenant des photos pour le site : les mâles sont beaucoup plus rares. Donc, pour les petites colonies, il est important de veiller à toujours avoir suffisamment de mâles pour assurer la reproduction.

En Europe, la période de reproduction commence au printemps et finit vers l’automne. Les espèces dites “tropicales” se reproduisent principalement pendant la période de pluie. En captivité, les cloportes se reproduisent toute l’année si les paramètres le permettent.

Brachyura (Crabe) :

L’accouplement a lieu après la mue. Le mâle va tenir fermement la femelle avec ses pinces et la féconder. Il y a donc une fécondation interne. Après l’accouplement, la femelle va pondre ses œufs fécondés sous son abdomen et ils seront tenus par les pléopodes tout le long de l’incubation. Les Brachyura sont donc ovipares. Les œufs éclosent environ 1 mois plus tard. La femelle pond entre 20 et 80 œufs. Il n’y a pas de stade larvaire. Il n’y a généralement pas de soins parentaux et il peut y avoir des comportements de cannibalisme, mais cela reste assez rare.

Les petits mesurent moins de 5 mm. Après quelques semaines, quand les Geosesarma tiomanicum mesurent environ 7,5 mm, leurs pinces commencent à prendre une teinte rouge. Puis, ils continuent à prendre de plus en plus de couleur à chaque mue.

Blattaria (Blatte) :

Le développement des Blattaria est marqué par plusieurs étapes de transformation. Tout commence par la femelle qui pond une ou plusieurs oothèques, qui comprend entre 10 et 50 œufs. L’embryon va se développer généralement pendant une période de deux à quatre semaines. Après l’éclosion, la blatte entre dans le stade de nymphe, qui dure entre un et trois mois. À ce stade, la nymphe est assez similaire à l’adulte, bien qu’elle soit plus petite et dépourvue d’ailes. Puis après environ dix mues, qui sera la dernière, la blatte devient adulte et mature sexuellement. Après la dernière mue, les Gyna sp. peuvent vivre environ six à douze mois. Et le cycle recommence.

La plupart des blattes, comme les Gyna sp. sont ovipares. Certaines sont ovovivipares, elles sont un peu plus minoritaires comme les Gromphadorhina portensa. Finalement, il y a le genre Diploptera spp. qui est connu pour être vivipare. Certaines espèces de Blattaria sont connues pour pratiquer la parthénogénèse. Le nombre d’oothèques pondus dépend aussi de l’espèce, il varie entre un et six oothèques. Certaines espèces pondent leurs œufs dans le substrat ou dans de l’écorce ou encore entre des pierres et ne s’en occupent plus, alors que d’autres espèces portent leurs oothèques sous leur abdomen avec leurs pattes postérieures jusqu’à éclosion. Les Gyna sp. ne pondent qu’une seule oothèque dans le substrat. 

Diplopoda (Iule) :

La maturité sexuelle chez les Diplopoda intervient généralement après 3 à 4 mois de vie suivant l’espèce. Ils sont ovipares. Lors de l’accouplement, le mâle grimpe sur la femelle et transfère son sperme par les deux gonopodes. L’accouplement peut durer plusieurs heures. Puis, la femelle pond des œufs dans un sol humide, à une profondeur de quelques centimètres. Ces œufs sont généralement assez compliqués à observer sur les petites espèces de moins de 20 à 25 centimètres, telles que les Benoitolus sp. « Khao Sok » et les Anadenobolus monilicornis. Les œufs sont pondus en petits groupes. La femelle peut pondre plusieurs centaines d’œufs au cours de sa vie. Le développement des embryons durent environ deux à quatre semaines. Lorsque les œufs éclosent, les jeunes iules ressemblent déjà aux adultes, mais ils sont beaucoup plus petits et possèdent un nombre réduit de segments corporels, donc un nombre réduit de pattes. Au fur et à mesure qu’ils grandissent, les jeunes iules passent par plusieurs mues successives et gagnent à chaque nouvelle exuvie de nouveaux segments corporels et de nouvelles paires de pattes avant d’atteindre leur taille adulte (voir la vidéo sur Instagram).

Anadenobolus monilicornis mâle, pattes remplacées par les gonopodes
Anadenobolus monilicornis femelle, absence de gonopode
Reproduction de Spirobolus caudulanus
Reproduction de Spirobolus caudulanus
Jeune Spirobolus caudulanus
Jeune Spirobolus caudulanus